Algérie. Vague d’arrestations et de poursuites contre des centaines d’Ahmadis


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L’Algérie doit mettre un terme à sa campagne de répression contre les membres du mouvement religieux minoritaire qu’est l’Ahmadisme (ou Ahmadiyya), a déclaré Amnesty International le lundi 19 juin, à l’approche de l’audience en appel, le 21 juin, de six Ahmadis condamnés à des peines d’emprisonnement d’une durée allant jusqu’à quatre ans pour des charges liées à la pratique de leur religion.

Source : Amnesty International

Au moins 280 femmes et hommes ahmadis ont fait l’objet d’enquêtes ou de poursuites l’année dernière, après une vague d’arrestations qui a suivi le rejet par les autorités d’une demande d’enregistrement d’une association ahmadie et de l’inauguration d’une mosquée en 2016.

« La répression qui s’est abattue sur les Ahmadis l’année dernière est alarmante. Cette vague d’arrestations et de poursuites visant des Ahmadis montre clairement que les autorités renforcent les restrictions à la liberté d’expression dans le pays », a déclaré Heba Morayef, directrice des recherches sur l’Afrique du Nord à Amnesty International.

Les autorités algériennes doivent faire le nécessaire pour que les poursuites visant des Ahmadis qui sont uniquement liées à la pratique pacifique de leur religion soient abandonnées, et libérer immédiatement les personnes détenues.

On estime à 2 000 le nombre d’Ahmadis qui vivent actuellement en Algérie. Les Ahmadis se considèrent comme des musulmans ; cependant, des hauts responsables algériens ont fait des déclarations publiques dans lesquelles ils les qualifiaient d’hérétiques et affirmaient qu’ils représentaient une menace pour l’Algérie.

En mars 2016, les autorités algériennes ont rejeté une demande déposée par des Ahmadis, en application du droit algérien, en vue d’obtenir l’enregistrement d’une association. Le 2 juin 2016, dans la matinée, la police a fait une descente dans une mosquée ahmadie récemment construite à Larbaa (province de Blida) le jour où elle devait être inaugurée et l’a fermée.

Depuis lors, Amnesty International a appris de sources locales que les autorités algériennes avaient engagé des poursuites judiciaires contre plus de 280 Ahmadis. Ils sont notamment inculpés d’appartenance à une association non autorisée, de collecte de dons sans autorisation, de pratique d’un culte dans des lieux non autorisés, de diffusion de propagande étrangère portant atteinte aux intérêts de la nation et de « dénigrement » du « dogme » et des préceptes de l’islam.

Selon des membres de la communauté ahmadie et trois avocats qu’Amnesty International a interrogés, et d’après des documents juridiques dont l’organisation a pris connaissance, plus d’un tiers des personnes concernées par ces poursuites pénales ont déjà été déclarées coupables et condamnées à des peines d’emprisonnement d’une durée allant jusqu’à quatre ans ou à des amendes d’un montant allant jusqu’à 300 000 dinars algériens (2 750 dollars environ). La plupart d’entre elles sont en liberté dans l’attente des résultats des procédures à leur encontre, et quatre d’entre elles sont actuellement emprisonnées.

Le 21 juin, six Ahmadis comparaîtront devant la Cour d’appel de Batna. Ils ont été déclarés coupables, en première instance, de gestion d’une association non enregistrée, de collecte de dons sans autorisation et de diffusion de documents étrangers constituant un danger pour les intérêts de la nation. Ils ont été condamnés à des peines d’emprisonnement allant de deux à quatre ans et à des amendes d’un montant de 300 000 dinars algériens (2 750 dollars environ) le 27 mars. Il s’agit des peines les plus lourdes prononcées à ce jour contre des Ahmadis pour la pratique pacifique de leur religion.

En mai, le président de la communauté ahmadie en Algérie a été libéré après trois mois de détention provisoire. Il avait été déclaré coupable de charges similaires et avait été condamné à une peine d’emprisonnement de 12 mois avec sursis et à une amende. Dix autres personnes accusées dans la même affaire ont également été condamnées à des peines de prison avec sursis, d’une durée comprise entre trois et six mois, et à des amendes.

L’année dernière, des représentants de l’État et des médias algériens ont tenu des propos haineux ou discriminatoires à l’égard des Ahmadis. En juin 2016, le ministre des Affaires religieuses et des Donations (wakfs), Mohamed Aissa, a estimé que la présence des Ahmadis en Algérie s’inscrivait dans le cadre d’une « invasion sectaire préparée ». En février 2017, il a déclaré que les Ahmadis n’étaient « pas musulmans ». En avril 2017, Ahmed Ouyahia, le directeur de cabinet du président Abdelaziz Bouteflika, a appelé les Algériens à « préserver le pays des sectes du chiisme et d’El Ahmadiyya ».

Le 25 avril, dans une déclaration, le ministre des Affaires religieuses et des donations a changé de ton, soulignant que l’État n’avait « pas l’intention de combattre la secte El Ahmadiya » et ne faisait qu’appliquer les lois relatives aux associations et à la collecte de dons.

En vertu de l’article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, l’Algérie est cependant tenue de respecter le droit à la liberté de religion. Selon le droit international relatif aux droits humains et les normes connexes, ce droit inclut le droit de manifester cette croyance par un culte collectif, de construire des lieux de culte et de collecter des contributions financières volontaires.

La Constitution algérienne ne garantit pas pleinement le droit à la liberté de religion, la question de la règlementation des pratiques et des lieux de culte étant laissée à la législation nationale, très restrictive. Le droit interne prévoit des règles spécifiques pour encadrer les cultes des personnes considérées comme des non-musulmans, et la pratique collective d’une religion en dehors du cadre réglementaire prévu par l’État est passible de poursuites pénales. Les infractions à cette règlementation, notamment aux dispositions imposant l’utilisation de lieux publics de culte agréés par l’État et l’obligation d’informer les autorités avant la tenue de cérémonies religieuses, sont punies de 12 mois à trois ans d’emprisonnement et d’amendes comprises entre 100 000 et 300 000 dinars algériens (entre 900 et 2 700 dollars environ).

« Le droit de pratiquer sa religion collectivement est un aspect fondamental du droit à la liberté de religion. Il est aussi important que le droit à la liberté individuelle de conscience. Tant que tous les groupes religieux et tous les lieux de culte devront obtenir l’agrément des autorités, il n’y aura pas de liberté de religion en Algérie », a déclaré Heba Morayef.

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