A Yaoundé, le tribunal militaire veut désarmer des journalistes


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Au Cameroun, trois journalistes unanimement respectés par leurs pairs et admirés de leurs concitoyens sont actuellement poursuivis par le Tribunal Militaire où ils ont été inculpés de « non-dénonciation » de manœuvres de déstabilisation de l’Etat. La justice de Paul Biya leur en veut de n’avoir pas trahi leurs sources, de n’avoir pas été des complices d’un régime qui embastille écrivains et journalistes.

Rodrigue Tongue de Le Messager, Felix Cyriaque Ebolé de Mutations, et Baba Wame qui collaborait naguère pour https://www.afrik.com/, trois journalistes unanimement respectés par leurs pairs et admirés de leurs concitoyens sont actuellement poursuivis par le Tribunal Militaire où ils ont été inculpés de « non-dénonciation » de manœuvres de déstabilisation de l’Etat, le 28 octobre dernier, et par suite interdits de sortie du territoire en attendant leur jugement.

Après Bibi Ngota, journaliste mort en détention préventive, après l’auteur Enoh Meyemesse, lourdement condamné par cette juridiction d’exception, après Abdoulaye Harissou, auteur chez Albin Michel détenu dans le camp militaire de la gendarmerie, le SED (Secrétariat d’Etat à la Défense), la campagne cabalistique contre la liberté d’expression s’attaque cette fois au métier de journaliste.

Dans ce pays extraordinaire où il semblait jusque-là permis de parler, mais où il a toujours été impossible d’exercer sereinement, la technique de dissuasion militaire consiste aujourd’hui à dépouiller de toute crédibilité, de tout pouvoir d’investigation, voire de leur simple liberté d’aller et venir, des professionnels indispensables à l’hygiène et la salubrité sociales.

Hands up : don’t shoot

C’est un bien vilain cadeau que ces trois têtes offertes par les juges à leur chef qui fête ce 6 novembre sa perpétuité à la tête du Cameroun. Pointer cette justice militaire sur la tempe de journalistes au-dessus de tout soupçon est le seul fait condamnable de cette affaire.
Felix Cyriaque (syndicaliste), Rodrigue (éditorialiste) et Baba Wame (enseignant) sont poursuivis pour des délits d’initiés d’un nouveau genre : on leur reproche moins l’usage qu’ils ont fait d’informations sensibles que ce qu’ils n’en ont pas fait. La justice de Paul Biya leur en veut de n’avoir pas été des dénonciateurs, de n’avoir pas trahi leurs sources, en un mot d’avoir été des journalistes, de n’avoir pas été des complices éhontés d’un régime paresseux, qui embastille écrivains et journalistes.

Cette justice dont on attend qu’elle juge des membres de Boko Haram, qu’elle poursuive les preneurs d’otage, qu’elle confonde les ministres soupçonnés de verser dans le trafic d’armes et l’entretien de milices privées, cette justice poursuit des journalistes, sans que ne s’émeuve pour le moment le Conseil National de la Communication dont on espère, peut-être en vain, la démission massive des journalistes qui le composent, si ne s’arrête pas immédiatement cette militaire parodie d’on ne sait quoi.

A quoi pourrait-on comparer ce jeu de vilains ?

Jusqu’à quand les Camerounais au nom desquels ces injustices se rendent courberont-ils l’échine ? Les autorités camerounaises se livrent à des attaques expérimentales, elles veulent voir jusqu’où il est possible d’aller dans la provocation et l’intimidation…
Comme ce domestique qui, avant de voler définitivement un billet d’argent perdu dans le fauteuil de son patron, le cache encore plus pour savoir s’il peut le voler impunément. C’est du testing : les journalistes qu’on intimide, auxquels on interdit d’aller et venir, ne sont que des cobayes dont le traitement prélude d’atteintes plus graves des droits humains.

Les prêtres camerounais devraient songer à se précipiter à la DGRE pour dénoncer certains secrets acquis dans leurs confessionnaux, sous peine de poursuites criminelles.

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