2013, Paul Biya voit le futur du Cameroun au conditionnel


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A part les indications comme quoi les Chinois viendront déplacer nos montagnes et mettront sens dessus dessous notre sous-sol pour sonder nos ressources, on peut dire que ce 31 décembre, lors du traditionnel discours de présentation des vœux, on n’a eu que cette impression devenue coutumière que notre écran de télévision était un aquarium. Et le président Biya un poisson rouge. Qui va et vient, mais ne sait rien faire de plus que des bulles. Rien n’a été dit des rendez-vous manqués (cinquantenaire de l’indépendance de l’ex Cameroun oriental par exemple) de l’année écoulée.

Qu’est-ce qu’attendent les Camerounais pour cette nouvelle année ? Plus d’emplois, plus de travail, plus d’argent, plus d’écoles, plus d’hôpitaux, plus d’entreprises et, c’est confirmé, plus de croissance. Après une période de glaciation institutionnelle, il y a eu comme un éveil du législateur en 2012. L’activité législative qui a eu lieu redonnera du crédit aux institutions politiques, à notre démocratie, et contribuera au tracé des contours de ce que sera l’après-Biya.

L’inertie, une force toujours en mouvement

Quant aux multiples promesses de Paul Biya faites entre septembre 2011 et janvier 2012, 2013 sera-t-elle l’année du passage aux actes ? On ne perd rien pour attendre… Parlant par exemple de l’autoroute Douala-Yaoundé, il nous annonce que le premier tronçon « devrait » être aménagé cette année. Devrait ! Je parie cent contre un qu’il n’en sera rien. 2013 sera surtout une année politique.
Voici selon moi cinq événements politiques qui cette année vaudront le détour :

1 Nomination des membres du Conseil National de la Communication : les commentateurs de l’actualité se sont habitués à tout dire, les autorités elles à tout entendre, du coup il est difficile de prévoir si les appels pressants venus de tout bord pour demander au président de la république de rendre effective la composition de ce super-organe de régulation seront entendus.

2 Elections législatives et municipales : élus pour cinq ans qui sont échus, nos élus ont été fonctionnarisés et ne tiennent plus leur légitimité que des décrets qui les maintiennent dans leur fonction. Ce qu’il faut savoir c’est qu’il y a un mystère au Cameroun que nous avons emprunté à l’Eglise catholique romaine, c’est celui de la Sainte-Trinité. C’est-à-dire trois personnes en une. L’exécutif, le judiciaire, le législatif sont peut-être séparés comme le RDPC essaie régulièrement de le faire entendre. Mais alors ils sont séparés dans la même personne de Paul Biya. Qui est le chef absolu de l’exécutif, le président national du RDPC, parti majoritaire à l’Assemblée Nationale et bientôt au Sénat (plus désigné qu’élu et représentant les puissants davantage que les collectivités territoriales décentralisées qui n’existent que nominalement). Paul Biya dirige le Conseil Supérieur de la Magistrature et, en l’absence du Conseil Constitutionnel dont on a vu pointer le nez en 2012 dans une loi organique controversée, est non seulement le garant de la constitution mais aussi le juge tout-puissant de l’opportunité de l’application des dispositions de la loi fondamentale.

3 Le remaniement ministériel n’aurait dû en toute logique (la mienne) intervenir qu’après les législatives. Cela fait mauvais genre de procéder à un remaniement maintenant et dans huit mois un autre. La longue absence du premier ministre qu’une certaine presse a d’abord considéré comme un démissionnaire velléitaire, et au sujet duquel la rumeur publique suppute maintenant la plausibilité d’un congé-maladie rendent probable un remaniement ministériel dans les semaines à venir. Amadou Ali en tant que vice-premier ministre préside désormais les conseils de Cabinet et s’assoit à la gauche du Père dans les cérémonies officielles. C’est donc que des décrets présidentiels interviendront assez tôt. Tout dépendra de la date à laquelle Paul Biya veut faire se tenir ses élections. Il peut en effet procéder à un remaniement en février-mars, sachant qu’il prend toujours son temps après des élections pour constituer un nouveau gouvernement. Les prévisions (qui dénotent par définition des attentes) de certains médias concernant un prochain remaniement ne sont donc pas complètement folles. Cela dit, il ne faut pas en attendre des surprises, la jeunesse surtout n’a rien à espérer de ce côté-là. On attendait un rajeunissement en 2011, une révolution, elle n’a pas eu lieu, à moins que l’on considère comme telle toute rotation de 360° sur soi-même et ce retour régulier à des ministres qu’on croyait définitivement mis au placard.

4 Le lancement des activités du nouvel opérateur de téléphonie Viettel (personne ne doutera plus de l’ouverture d’esprit des Camerounais, on est allé chercher un Vietnamien, rien que ça !). On attend aussi de l’ART (Agence des Régulations des télécommunications) qu’elle s’émancipe de la tutelle des entreprises qu’elle doit contrôler et se libère du complexe financier qui la musèle. Les opérateurs de téléphonie outrepassent leurs prérogatives, organisent des jeux de loterie sans que ceux-ci soient spécifiquement taxés, font des publicités mensongères, inondent leur clientèle de messages publicitaires, font de l’usure (crédits de téléphone remboursés à des taux exorbitants, 10% d’intérêt c’est trop : 275 FCFA sont ainsi débités quand 250 ont été empruntés, etc.), et surtaxent des services qui devraient être gratuits…

5 La composition du Conseil Constitutionnel et la mise sur pied du Sénat, si elles ont lieu donneront une nouvelle vigueur à nos institutions et prépareront une alternance apaisée. Elles ne seront qu’une démultiplication des pouvoirs de Paul Biya, mais c’est surtout leur importance par rapport à l’avenir qui nous intéresse.

Parlant d’innovation (ou de révélation) politique, que l’on me pardonne de n’avoir pas mentionné ce fameux budget-programme que les experts couvrent de tant de louanges. Comme si un simple réajustement technique, comme si une formule qui n’a nulle part jamais abouti à une révolution pouvait elle-même tenir lieu de révolution. En France, l’on parle de lois de programmation (finances publiques, budget…), cela ne les empêche pas d’être durement touchés par la crise et en quasi-récession depuis plusieurs années.

Les personnalités qui feront avancer le Cameroun

Le président Biya, une fois n’est pas coutume, n’a pas attendu le 11 février pour interpeller la jeunesse (on n’a fait que l’interpeller, il est temps d’associer cette jeunesse à l’exercice du pouvoir). Il y a comme une prise de conscience chez lui que les jeunes sont bien plus qu’une catégorie de la population, les jeunes sont la nation camerounaise. Ils sont disséminés à travers le monde, et au Cameroun se battent au quotidien pour rendre notre pays plus prospère. Il y a une vraie dynamique de changement au sein de la jeunesse camerounaise. Et quand on parle de jeunesse dans un pays où l’espérance de vie est de 54 ans, il faut bien se dire que passé trente ans, il commence à devenir excessif de se considérer un jeune et passé quarante ans cela est absolument ridicule d’être distingué au titre de sa jeunesse.

Chaque jour, à l’abri du bruit et des projecteurs, des hommes et des femmes travaillent pour notre peuple, nous ne les connaissons pas toujours, la reconnaissance officielle n’existant sous nos latitudes que sous la forme de nomination. Souhaitons qu’en 2013 d’« incroyables » talents émergent de l’anonymat ou de l’indifférence populaire.
En conséquence, 2013 sera une belle année si elle contribue, plus que par le passé, à installer dans l’espace public des cadets et des femmes qui nous feront rêver et des ainés qui les y aideront. Il faut en finir avec ce racisme antijeune qui, à l’intérieur des frontières camerounaises, confine les révélations de jeunes et de jeunes dames dans les domaines du sport et des arts, alors que, comme Ismaël Nzouetom (baptisé le Bill Gates africain par un magazine panafricain) ou Julie Owono (de Feowl) dans la diaspora, elles sont nombreuses sur place les têtes bien pleines qui chaque jour méritent de la patrie.

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